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La voie initiatique de la chevalerie spirituelle

par FGSP

Cette voie ne nous apprend nullement la façon de devenir puissant ou brave tel qu'on l'entend au sens ordinaire du mot chevalier. Elle nous apprend la bravoure, qui consiste à avoir le courage de nous affronter nous-mêmes. Ce qui doit être conquis dans cette guerre, ce ne sont pas des royaumes physiques ou merveilleux, mais le royaume de notre véritable ennemi : l'ignorance de l authentique lumière.

Mais comme le disait Sainte Thérèse d'Avila aux sœurs du Carmel, je cite :

« Vous me demandez de vous parler de Dieu, mais si vous me demandiez de vous parler de l'eau, je vous inviterai dans ce cas à la boire » ;

En écho, l'ermite confie à Perceval dans le conte du Graal de chrétien de Troyes : « trop de mots est péché ». C'est donc par un itinéraire et non un discours académique encore moins par une dogmatique, que je souhaite, cet après-midi, vous entretenir, d'un domaine si vaste, mais dont les contingences du temps, nous obligent à parcourir à grandes enjambées, à triple galop....

 

LE PACTE CHEVALERESQUE : l'acte divin d'inféodation

Même dans la chevalerie primitive historique, le titre de chevalier recouvre une signification complexe. Il signifie avant tout : servir et donc ne se réduit pas au sens de guerrier, mais recouvre dès le XIème siècle, d'autres notions liées à l’idée de soumission, tel vassus ou fidelis. Ce concept élargi, vaut intégralement pour le sujet qui nous occupe : la spiritualité de la chevalerie initiatique : service et soumission ; le chevalier céleste appartient à la maison de son Seigneur, qui est Christ.

D'autre part, le suzerain, auprès duquel le chevalier souscrit un acte d'engagement et de fidélité, octroie à son vassal un bref d'inféodation, c'est-à-dire que son seigneur, le suzerain, lui alloue une terre; il en sera le gardien et l'usufruitier; elle lui procurera la nourriture nécessaire à la réalisation de sa quête. Dans cette voie initiatique de la chevalerie spirituelle, le chevalier, reçoit de son Seigneur, la faculté de faire fructifier la lumière intérieure, déposée en lui, celle qui nous est décrite dans certains rituels, comme étant « n'avoir jamais cessé de briller ». Mais, pour protéger le domaine de son seigneur, en climat chrétien, ‘’le royaume des cieux’’ et en son centre, la cité Sainte, icône dynamique de la Jérusalem d'en bas, chaque chevalier, reçoit pour mission, d’ériger un château sur la terre qui lui a été inféodée. Évidemment ce château est un château intérieur, que le chevalier a comme obligation, d'édifier, patiemment et constamment tout au long de sa quête, de sa vie. Ce château se construit dans le temps, il ne sera définitif qu'à la fin de ce temps d'existence, dans le monde sensible. Mais l'acte d'édification du château intérieur est l'objet même de sa propre chevalerie, en perpétuelle construction. Par la constance de cette mise en acte, le chevalier préserve son lien de vassalité, c'est-à-dire de soumission et de services.

 

Le maçon construit

La voie initiatique de la chevalerie spirituelle, trouve son fondement, d'abord, dans un processus initiatique, amorcé dans les classes symboliques, et dont la fonction première consistait à transformer un profane en un « maçon construit». Ce premier travail initiatique, se prolonge lorsque le maçon, adjoint à la truelle, l'épée intérieure, arme fondatrice du château intérieur. Nouvelle étape d'un cheminement toujours initiatique, dont il convient d'exprimer, en premier temps, sa définition. J'emprunte à Louis Claude Saint-Martin la plus synthétique et éclairante définition de l'initiation, qu'à ce jour, il m'a été donné de connaître:

« Initier, dans son étymologie veut dire « rapprocher, unir au principe »..., et c'est pourquoi, l'objet de l'initiation, est d’annuler la distance qui se trouve entre la lumière et l'homme ou de le rapprocher de son principe, en le rétablissant dans le même état ou il était au commencement». Et cette définition, est à rapprocher de l'étymologie du mot « péché », qui dans son sens premier, veut dire « manquer la cible ». Et qu'est-ce que la cible pour l'homme ? Et plus particulièrement pour le chevalier chrétien ? C'est justement être non seulement à l'image (ce qui lui est donné en tant que créature de Dieu) mais aussi à la ressemblance du Christ (ce que nous devons réaliser dans notre parcours de chevalerie).

Cette définition est un point d'appui fondamental qui entrevoit la conciliation entre la voie sacramentelle et la voie initiatique, voie sacramentelle dont la fonction première est d'effacer, par la Grâce, « les manquements de la cible », pour que l'homme soit en mesure de poursuivre, par la voie initiatique de nature cardiaque, son chemin de ressemblance

L’initiation chevaleresque, si au départ de la quête, elle se reçoit, elle se vit, s'intègre et se parfait, à chaque étape du parcours

• Le blason pour tout bagage

C'est ainsi que blasonner, c'est révéler à soi-même, son propre être. C'est pourquoi le blason est une entité unique, propriété de chaque chevalier, et qui, par la même, transforme son nom profane, pour mettre en cohérence avec son blason, son nom de chevalerie.

Le blason doit devenir un guide, le photophore du chevalier Il ne peut plus s'en séparer, car cela consisterait à se perdre lui-même.

• La profession spirituelle

La profession spirituelle est le premier acte du blasonnement. Elle n’est pas un résumé de logique et de rationalité, mais un voyage intérieur, initiatique au cours duquel, par dépouillements successifs, se révélera à lui, l’essence, mais aussi les armes, de sa quête.

Dans un premier temps, le postulant devra repérer, au plus profond de lui, les fondations de son château intérieur, celles qui sous-tendent et expriment sa chevalerie spirituelle. C'est par la méditation, l'introspection, en se mettant en disposition d'écoute de la lumière intérieure, qu’il découvrira le sens de sa quête, sens, qui donne cohérence à sa vie. Il ne recherche pas son projet, mais les modalités de sa participation à l'œuvre divine. À travers cette recherche, dans une attitude khénosique, c'est-à-dire de retrait de lui-même en lui-même, son blason se révélera à lui.

Son intelligence, son esprit d'analyse, sa rationalité n'ont pas compétence en la matière, ils sont au service de son introspection. C'est en effet dans le silence, dans le regard porté dans son intériorité, à la recherche de la vraie lumière que se dévoileront, meubles et émaux, qui deviennent l’expression des propriétés ontologiques de son être.

 

L'EDIFICATION DU CHATEAU INTERIEUR OU LE RETABLISSEMENT DU HAUT ET SAINT-ORDRE

En effet, le vrai combat c’est celui qui est menée contre l’ego usurpateur, qui nous fait oublier que tout ce que nous faisons, trouve son origine dans Celui qui est le cœur vivant divin. La chevalerie est un pélerinage avant que de devenir un état. Con-quérir, c'est chercher ensemble.

Pour le chevalier, l'aventure héroïque qui se vit dans le monde, passe par plusieurs étapes dont aucune ne peut être ni négligée ni édulcorée. Je veux dire par là, que celui qui entre en chevalerie, doit être au préalable, « un mâcon accompli », à l image comme certains l'ont déjà peut-être vu :... d’un certain lion qui sortant de la grotte, maitrise les outils du parcours symbolique.

La seconde étape est de percevoir l'écueil qui réside dans tout cheminement qui n engendrera pas une métanoïa de l être, mais qui, au contraire, aboutit à une expansion de l ego. En effet, L’utilisation du terme SPIRITUALITE recouvre, en français, deux approches: il y a celle qui reste superficielle, et qui déteint au premier lavage, celui des épreuves de la vie : ‘’SIC TRANSIT GLORIA MUNDI’’.

Il y a celle qui pénètre l’être du chevalier, et qui reste permanente quoi qu'il advienne. Donc deux conceptions de la spiritualité, l’une qui est une ‘’bulle spéculative’’, l’autre profondément opérative; ouverte sur le céleste, enraciné dans les profondeurs de l’être. D’où deux formes de chevaleries, la première, aboutissant à une contre initiation chevaleresque, la seconde, seule, conduisant le chevalier terrestre, sur le chemin de la chevalerie céleste. Seule, cette spiritualité là, permet, de construire plan après plan, étape après étape, le château intérieur; mais cela par un préalable : la mise en ordre du chantier de l âme : il nous faut donc préparer le terrain, en se préparant au combat! Cette étape préalable à toute réalisation spirituelle, repose pleinement sur une vertu ontologique centrale, dénommée "DISCERNEMENT."

Le discernement :

Discerner c est identifier, et démasquer. L oubli de cette vertu est à l origine même de la chute de l’humanité. C’est ainsi que le mental ravit la première place à l intellect. La faculté de discernement permet au chevalier d identifier et démasquer ce plan de conscience qu’on dénommera « l'intellect corrompu par le mental» ; ce plan de conscience conduit à terme, inévitablement, le chevalier, sur les pentes d une chevalerie humide, factice, donnant bonne conscience, mais vide de toute faculté permettant d'entamer une quête vers la ressemblance. Discerner, c’est donc dissocier « la partie de l'intellect corrompue par le mental » d'avec « l intellect du cœur». Celui-ci, l’intellect du cœur, étant la seule faculté, permettant, par la voie cardiaque, l'accession au monde de la Rencontre.

La question n'est donc plus : « qui suis-je ? », mais « que suis-je ? ». Et c'est ainsi que Le chevalier se définit par rapport à un Ordre, qui est le microcosme dans lequel il évolue et dont il en est une cellule, une brique élémentaire. Se mettre en état de discernement, c'est ouvrir la vie de l'esprit, pour acquérir la conscience de soi, la conscience de sa fonction, la conscience de participer à une œuvre qui le dépasse, qui a commencé bien avant lui et qui se poursuivra bien au-delà de lui. Le chevalier fait œuvre de chevalerie chaque fois qu'il agit dans le silence intérieur, faisant place ainsi au discernement.

 

Le château intérieur 

Le château intérieur se construit dans le lieu de l’âme, où un jour, plus rien ne devra rester, si ce n’est LUI qui LUIT. Ou dit autrement, le Seigneur-Christ, qui irradie. Se manifeste alors dans le cœur, là où réside la lumière divine de la vraie Réalité, la conscience d une certitude simple et rayonnante. Et la fonction du chevalier est de la faire rayonner d abord dans le château intérieur et par delà le château. Le cœur du château étant le reposoir lumineux de la Cite Sainte.

Si l on se tient dans un état de discernement conscient, alors le chevalier est dans l état de bienfaisant, dans un état du bien fait. Dans cet état, l’âme s exerce à la transparence de sa lumière intérieure, au silence intérieur qui préside l action juste, dans un état de conscience où l’ego usurpateur ne voile plus la manifestation du Réel, lieu où l exercice du bienfaisant se rend utile à l œuvre divine

Il s’agit d’une voie opérative, directe où l’on accepte de faire face à ses ombres intérieures, ses mensonges personnels, aux ruses de l’égo qui va jusqu’à se travestir en un semblant d intellect, pour continuer coute que coute à dominer

Ce travail de détachement, de nettoyage par le feu, de libération des fixations égotiques, est une véritable quête, un authentique pèlerinage intérieur. Oui un pèlerinage, car comme tout pèlerinage, cette quête invite le chevalier à retrouver son unité primordiale ouvrant la voie de sa réconciliation intérieure, pour commencer à bâtir enfin le donjon intérieur, lieu de son élévation, vers la réalisation de sa divinisation, au sens de la patristique byzantine.

Science de l’âme, cette voie d'expérimentation se fait dans la solitude et le silence du cœur mais au cœur de l ordre

Le monde de la Rencontre

Ce monde de la Rencontre, pour le chevalier chrétien, est le lieu des théophanies chrétiennes, le lieu où repose entre autres le Saint Graal, le Haut et Saint Ordre de la famille du rectifié. Car si la quête chevaleresque est une quête solitaire, c'est au sein d'une communauté qu'elle se vit, et c'est dans le monde qu'elle s'inscrit. On n'est pas chevalier tout seul et « hors-sol ». Et, parce qu'on n'est pas tout seul, chaque acte, chaque parole, sont susceptibles de conséquences qui dépassent notre propre personne.

 

EN CONCLUSION

Dans la voie initiatique de la chevalerie spirituelle, La profession spirituelle est la clé indispensable qui ouvre une des portes du château intérieur, car elle se prépare durant le temps de la probation. Elle permet au futur chevalier de s'exercer à la vertu : « discernement ». Elle doit le conduire à découvrir sa signature éternelle, son nom secret en Dieu, son destin, en un mot sa chevalerie

Quand la clé est tournée, lorsque la profession spirituelle est achevée, le blason se découvre et se laisse contempler. La veillée d'armes, et la cérémonie de réception, sont l'aboutissement de ce temps de probation, mais en même temps, les fondements de la véritable quête. Afin de ne pas se perdre dans le labyrinthe des épreuves de la vie, le chevalier devra continuellement parfaire la maîtrise de cet exercice. Par sa répétition incessante, l'exercice du discernement, devient un art de vie. Il lui permet d'orienter sa chevalerie vers le lieu de la Rencontre. Ce lieu de la Rencontre n'est pas le but d'un voyage, mais plutôt une auberge, un refuge, constamment à portée de main, dès lors que le chevalier se met en condition d’y pénétrer, et dans lequel il pourra se reposer, se nourrir, se ressourcer. Reprendre les forces nécessaires pour parcourir le chemin de l'édification du château intérieur et de son donjon spirituel. Car je cite "Celui qui connaît son âme, connaît son Seigneur. »

La chevalerie est une ascèse, un exercice permanent, un travail sur soi-même qui ne souffre ni allègement ni repos. Le chevalier est un être en marche, un pèlerin qui apprend à devenir conscient de chacun de ses pas. La croix, il la porte gravée sur le cœur. Elle prolonge son reflet sur chacun de ses actes et sur chaque pensée. La pureté du regard qu'il porte sur les choses est à jamais, fonction de la pureté de son être. Il est comptable de lui- même, comptable de tout ce qu'il touche. Quel qu'il soit, à quelque niveau qu'il se trouve de la grande chaîne des êtres créés à laquelle il est conscient d'appartenir, il est ce manteau blanc broché de la croix rouge, il doit tendre vers ce cœur pur, frappé du sceau de la consécration, de l image à la ressemblance.

 

 

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